Le dossier RaceAndCare

Si le contrôle vétérinaire est fréquemment associé aux réunions de courses (signalement, vaccinations, conformité de la ferrure, contrôle anti-dopage, soins), force est de constater que le bien-être équin se joue principalement dans l’environnement quotidien des chevaux, où ils passent le plus clair de leur temps. C’est la raison pour laquelle la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH) mandate des vétérinaires habilités pour réaliser des contrôles du bien-être dans les écuries à l’occasion de certains contrôles anti-dopage.


Indicateurs objectifs et état émotionnel

Pour mesurer le bien-être du cheval, il faut définir des indicateurs de ce bien-être, c’est-à-dire des facteurs mesurables de façon objective. La difficulté́ de cet exercice vient principalement de ce que le « bien-être » est un état multifactoriel à la fois complexe et subjectif puisque deux chevaux placés dans des conditions de vie similaires peuvent présenter des états de bien-être différents.

En pratique, les vétérinaires vont donc mesurer :

  • Des indicateurs objectifs de l’ordre de la bientraitance, cette dernière pouvant être définie comme le fait d’offrir au cheval des conditions de vie qui respectent ses besoins physiologiques et comportementaux. Une alimentation quantitativement et qualitativement adaptée, la présence d’abris appropriés et confortables, l’absence de maladies et de blessures et la possibilité d'exprimer les comportements normaux de son espèce sont des éléments tangibles qui contribuent à la bonne santé physique et mentale de l’animal ;
     
  • Des expressions d’un état émotionnel positif ou négatif du cheval, c’est-à-dire la recherche de comportements que le cheval adopte lorsqu’il se sent bien ou mal et éventuellement la mesure de la fréquence de ces comportements. Collecter ce type d’indicateurs de façon fiable peut nécessiter une période d’observation relativement longue et/ou des observations successives répétées car les manifestations recherchées peuvent être discrètes ou sporadiques.


Des grilles d’évaluation pour affiner le contrôle

En 2020, 370 grilles (Trot et Galop confondus) ont été remplies par 29 vétérinaires missionnés par la FNCH. Elles ont ensuite été compilées pour fournir une première vision synthétique du bien-être des chevaux dans les écuries de courses passées au crible. Les contrôles sont réalisés très régulièrement et de façon inopinée, afin que le vétérinaire puisse se faire l’idée la plus juste de la situation réelle des chevaux dans leur lieu de vie.

Depuis 2019, les vétérinaires de la FNCH remplissent, dans le cadre des contrôles inopinés qu’ils effectuent sur les chevaux à l’entraînement, des grilles d’évaluation leur permettant de recueillir une série d’indicateurs sur le bien-être des chevaux contrôlés. Le remplissage de ces grilles, élaborées en adéquation avec les exigences de la Charte du bien-être équin signée par les sociétés mères en 2016, permet une évaluation globale et donne l’occasion d’aborder le sujet avec la personne en charge du cheval contrôlé. Dans certains cas, une évaluation plus approfondie de l’ensemble de l’effectif et des installations peut être réalisée à la demande de la société mère compétente.

Concrètement, il ressort de la synthèse 2020, concernant la relation homme / cheval, que les chevaux de courses entretiennent généralement des rapports confiants avec les humains qui les entourent. Les besoins en matière d’alimentation et d’abreuvement sont généralement respectés puisque les trois quarts des équidés observés bénéficient d’un accès illimité aux fibres, en plus de leur repas. Les conditions d’hébergement apparaissent tout à fait satisfaisantes et l’environnement des équidés s’avère adapté à leurs besoins naturels, puisqu’ils ont des interactions quotidiennes avec leurs congénères (contacts a minima visuels au box, entraînement en groupe, courses), même si les trotteurs passent plus de temps à l’extérieur que les galopeurs.


Retour de terrain avec Pascale LIGONDAY et Virginie MARZIN

Entrées au service de la FNCH en 2008, Pascale LIGONDAY et Virginie MARZIN ont recours aux grilles d’évaluation précitées pour effectuer le contrôle aux écuries.
 

Pascale LIGONDAY

Pascale LIGONDAY, 57 ans, Docteur vétérinaire depuis 1988, installée en Charente-Maritime.

Virginie MARZIN

Virgine MARZIN, 44 ans, Docteur vétérinaire depuis 2004, installée en Maine-et-Loire.

 

  • Sur l’accueil réservé par les socio-professionnels aux vétérinaires lors des contrôles inopinés des chevaux à l’écurie:

P.L. « Dans la très grande majorité des cas, l’accueil qui nous est réservé est tout à fait cordial. En 13 ans, je n’ai eu à me plaindre qu’à deux reprises. Lorsque l’on arrive chez des entraîneurs ayant un gros effectif, des salariés sont préposés à ce genre de contrôles et les livrets nous sont communiqués très rapidement. On sait qu’on les enquiquine mais ils jouent le jeu. »

V.M. : « Je n’ai jamais constaté d’hostilité. Quand j’endosse mon rôle de vétérinaire inspecteur, je sais pertinemment que l’on ne va pas m’accueillir les bras ouverts. C’est logique. Mais le simple fait d’être avenante, ça marche. Il faut dire que je suis naturellement joviale (rires) ! Les entraîneurs acceptent les contrôles et sont même plutôt pour. Certains font parfois preuve d’anxiété mais c’est surtout par crainte d’avoir mal fait quelque chose, alors on leur explique clairement notre démarche pour mieux les rassurer. »

  • Sur leur perception du bien-être équin dans les courses :

P.L. : « Je suis contente que la Charte du bien-être équin ait vu le jour. Nous avions beaucoup de retard dans ce domaine et les choses vont dans la bonne direction, même s’il faut aller plus vite. Ce qui est positif, c’est que beaucoup d’entraîneurs sont réceptifs et attachent de l’importance au bien-être équin. Mais on peut toujours faire mieux. Le cheval est un animal grégaire et social. Au Galop, les chevaux sont trop longtemps au box et rarement au paddock. Il est donc primordial qu’ils aient un contact visuel et olfactif avec leurs congénères. J’ai néanmoins conscience qu’il y a la théorie et la pratique. Dans les grosses structures, il est impossible de tous les mettre au pré, avec tous les risques que cela comporte en termes de blessures. »

V.M. « La synthèse des contrôles à l’écurie, faite à partir de nos grilles d’évaluation, le démontre : nous pouvons affirmer que le bien-être équin est une réalité dans les écuries inspectées. Les chevaux sont respectés et mangent à leur faim. D’un point de vue plus personnel, je trouve que nos grilles méritent d’être plus détaillées et que des efforts doivent être faits concernant le harnachement, au Trot, et le temps passé au box, chez les galopeurs. J’entends les motivations des professionnels, bien sûr, mais il faut continuer à progresser dans ces domaines. »

  • Sur les évolutions les plus notables en pratique :

P.L. : « De manière générale, on ne supporte plus de voir un cheval maltraité. L’évolution la plus notable, ou plutôt la plus symbolique à mes yeux, porte sur la réduction du nombre de coups de cravaches en courses et les sanctions prises à l’encontre des jockeys et drivers, en cas de non-respect. Que ce soit à l’hippodrome ou aux écuries, si nous assistons à un acte de maltraitance, nous rédigeons dans la foulée un rapport. Fort heureusement, c’est extrêmement rare mais ces rapports peuvent avoir de lourdes conséquences. Un garçon de voyage convaincu de maltraitance a ainsi été licencié par son employeur et interdit d’hippodrome pendant deux ans. »

V.M. « Il n’y a pas une évolution plus qu’une autre qui me vienne à l’esprit. Tous les chevaux que j’ai contrôlés étaient bien entretenus et je n’ai pas constaté de maltraitance. Dans le même temps, je suis issue de l’équitation traditionnelle, où l’on nous inculque qu’il faut prendre son temps. Dans les courses, on va de plus en plus vite, avec les deux ans notamment… Je me répète : il faut poursuivre les progrès accomplis. »

  • Sur les conseils qu’elles préconisent pour améliorer le bien-être équin

P.L. « Je fais toujours attention à ce que les chevaux aient un contact entre eux quand ils sont au box, qu’ils mangent suffisamment de fibres, que le foin soit accessible à volonté et bien stocké et qu’ils ne risquent pas se blesser. Il est cependant très rare que j’aie besoin de donner des conseils. Les entraîneurs connaissent leur métier ; ils observent au quotidien leurs chevaux et au moindre problème, ils sont en alerte. Les cavaliers d’entraînement sont également très vigilants. »

V.M. « A ce jour, je n’ai jamais eu besoin de donner des conseils sur les sites où je suis intervenue. »

 

Une thèse sur le bien-être des chevaux de courses

Afin d’approfondir les observations déjà réalisées à l’écurie et d’étendre l’analyse du bien-être du cheval de course aux phases de travail (entrainement et courses), la FNCH et les sociétés mères ont décidé de lancer une thèse à l’horizon 2022 sur le bien-être des chevaux de courses.


Source : FNCH