« Ça recommence », lâche Mélanie Cerdan-Rabaud. La patronne du Haras de Vindeda aux Essarts-en-Bocage a vu son pire cauchemar se réaliser. Lundi 20 septembre, elle a retrouvé un de ses poulains de 4 mois, mort, l’oreille coupée, l’oeil arraché et les boyaux tirés par l’anus sur 40 cm. Son cadavre mutilé dans un champ de Saint-Martin-des-Noyers. « Appelle les gendarmes, c’est signé », a réagi son compagnon ce matin-là. Immédiatement, les souvenirs des mutilations de l’été 2020 ont refait surface.

« Le sang était encore frais »

Pour Mélanie, pas de doute, ils ont agi à plusieurs durant la nuit de dimanche à lundi. « Ils sont passés par les champs, l’ont porté (80 kg) par-dessus la clôture électrique, puis ils l’ont trainé sur 20 mètres avant de le mutiler. Le matin même, le sang était encore frais et on voyait des traces au sol. » A sa grande surprise, aucun prélèvement n’a été fait par les gendarmes. Il a fallu attendre mardi 21 septembre pour voir le Centre hospitalier universitaire vétérinaire de Nantes emporter le corps pour autopsie.

Affaire classée sans suite

Nouvelle surprise, les vétérinaires ont conclu à une « mort naturelle » et à des mutilations liées à « des attaques de charognards ». Des informations qui lui ont été communiquées par les gendarmes, après avoir classé l’affaire sans suite. Contacté par téléphone, le service autopsie CHUVN qui se retranche derrière « le droit de réserve » n’a pas souhaité « commenter les résultats ». Avant de rappeler que « le dossier était entre les mains des enquêteurs ».

De la tristesse à la colère

« De la tristesse, je suis passée à la colère », s’agace Mélanie Cerdan-Rabaud. Impossible d’accepter les conclusions des experts. « D’après l’autopsie, le poulain se serait goinfré, l’alimentation se serait compacté et aurait entrainé une explosion de l’estomac, puis un choc septicémique. Sous l’effet de la douleur, il aurait sauté par-dessus la clôture électrifiée. Sauf qu’il avait quatre mois et était encore allaité. »

Hypothèse crédible

Cette version n’étonne pas le docteur Pascal Marchand, vétérinaire à Luçon.  » Je ne vois pas pourquoi les professionnels qui ont réalisé l’autopsie mentiraient. Il sont indépendants. Bien que je n’ai pas consulté le dossier, ça me paraît tout à fait plausible. Il n’est pas rare de voir des dilatations de l’estomac entraîner la mort. Ni de voir des charognards s’attaquer aux parties molles comme les yeux, les oreilles, la langue, l’anus. Cette hypothèse me parait plus crédible que toute autre en lien avec des humains. »

Luxury, victime de mutilations, a été retrouvé mort lundi 20 septembre.

Luxury, victime de mutilations, a été retrouvé mort lundi 20 septembre.

Une dizaine de victimes

Mais, la patronne du Haras, l’un des plus gros de Vendée en nombre de poulinières (25 poulinières et 60 poneys), n’en croit pas un mot. « Une de mes collègues qui a subi une attaque m’avait avertie. Tu verras, ça se passe en trois temps : enquête, autopsie, classement sans suite. » Le message circule dans leur groupe réunissant une dizaine de victimes en Vendée et Loire-Atlantique. Toutes constatent la même chose. Comme le 28 juin 2021, à Vallet (Loire-Atlantique) où une jument a été retrouvée, l’oreille coupée, l’oeil arraché. Ou encore, à Mouzeil (Loire-Atlantique), le 27 septembre 2021, où un cheval a été tailladé au cutter.

Les plus ou moins sadiques

Pour ces professionnels du monde équin, deux bandes seraient à l’oeuvre. « Les plus sadiques qui s’en prennent aux yeux, aux oreilles, aux vulves et à l’anus des chevaux. Les moins sadiques qui les lacèrent au cutter ou au couteau. On les croyait disparus. Mais, ils sont revenus. » Une approche qui laisse perplexe le chef d’escadron Le Moine, à la tête des gendarmeries de l’arrondissement de La Roche-sur-Yon. « Nous n’avons pas de phénomène identifié de ce genre. Aucun cas n’a été constaté sur notre secteur. »

– de 20 % commis par des hommes

Une seule affaire similaire a été enregistrée sur le Pays yonnais en septembre 2020. Après la mort suspecte d’un poney à La Ferrière, le parquet avait ouvert une enquête « pour atteintes et actes de cruauté envers un animal ». Au final, l’autopsie avait écarté la piste humaine. Sur les 153 enquêtes ouvertes par le ministère de l’Intérieur en septembre 2020, moins de 20 % sont en lien avec des hommes.

« Je veux faire bouger les choses »

Aujourd’hui, Mélanie Cerdan-Rabaud ne veut pas se taire. « Les gendarmes m’ont demandé de rester discrète. Parce qu’ils ne veulent pas que les propriétaires de chevaux fassent justice eux-mêmes. » Ou que la paranoïa gagne les campagnes. « Mais je ne veux pas passer cette histoire sous silence. Je veux faire bouger les choses », témoigne la jeune femme, malgré les recommandations des autorités locales. Elle attend toujours une copie du rapport d’autopsie.

 

Nicolas PIPELIER

Crédit Photo : ©Nicolas PIPELIER


Source : Le Journal du Pays Yonnais, Actu.fr